HERSHEL SCHACHTER

Hershel Schachter (1941 – 2013) est un rabbin orthodoxe américain célèbre pour sa participation comme aumônier militaire à la libération de Buchenwald. Il joue un rôle important dans la communauté juive américaine comme chairman de la Conférence des Organisations majeures juives américaines (1967-1969). Il est un des disciples les plus connus – et le premier à recevoir, en 1941 son ordination – du rabbin Joseph B. Soloveitchik. En 1956, il se rend en Union soviétique avec une délégation rabbinique américaine pour faire valoir les droits des Juifs soviétiques. Il joue le rôle de conseiller du président américain Richard Nixon sur la question des Juifs soviétiques. En matière de la loi juive, il fait figure d’autorité, il a rendu des décisions notables dans un certain nombre de domaines contemporains

Transcription et traduction du discours prononcé le 23 février 1971 :

Bienvenue à tous,

Bénis soient tous ceux qui sont venus à cette Conférence historique, qui sont venus de loin, littéralement de toutes les parties de ce monde dans lequel nous vivons, de pays qui sont et de pays qui ne sont pas encore complètement libres, tous ceux aussi qui sont venus exprimer leur solidarité, leur préoccupation profonde et durable, leur dévouement sincère au concept d’Akhdut Israël, unité du peuple juif, la foi profonde et indomptable en Dieu et en Israël qui a lié notre peuple à travers les âges, dans le monde entier.

Si cette session n’est pas la session d’ouverture officielle de cette Conférence mondiale des communautés juives pour le judaïsme soviétique, elle marque néanmoins le début de nos délibérations. Au cœur de nos délibérations se trouvent bien sûr nos frères et sœurs d’Union soviétique dont le statut nous préoccupe tous profondément, dont le bien-être nous a réunis, au nom desquels nous sommes réunis pour délibérer et avec lesquels nous exprimons notre solidarité, notre amitié et notre amour fraternel.
Il est significatif et tout à fait approprié que cette séance d’ouverture, cette première séance de travail, soit précisément consacrée aux éloquents porte-paroles de ceux au nom desquels nous sommes réunis aujourd’hui.

Sont assis devant vous ceux qui ont, grâce à Dieu, obtenu cette liberté qui, nous l’espérons, sera bientôt le libre choix et une possibilité pour tous les citoyens de notre foi en Union Soviétique. Il est important pour nous d’avoir l’occasion de saluer chaleureusement ces Femmes et ces Hommes que nous sommes impatients d’entendre parler. Il est également significatif que nous nous réunissions pour ouvrir nos délibérations en ce jour, en cette date, le 23 février, une date qui est significative en Union soviétique, car c’est la Journée de l’Armée Rouge. Je pense que nous sommes heureux d’exprimer ici aujourd’hui notre reconnaissance aux héros de l’Armée rouge, aux héros de toutes les armées qui ont combattu si vaillamment contre les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Nous sommes également ici pour exprimer non seulement notre reconnaissance pour l’héroïsme des armées qui ont combattu en ces jours sombres et profonds de l’Holocauste, dont nous prions pour qu’il ne se répètent jamais. Mais nous sommes réunis ici pour exprimer notre ferme et profonde conviction que nous consacrons nos efforts, nos pensées, nos idéaux à la réalisation d’une paix significative et durable entre tous les peuples et toutes les nations. Notre tâche, le but de notre rencontre est purement et véritablement positif. Elle ne vise aucun aspect négatif, nous ne sommes pas ici pour dénoncer, nous ne sommes pas ici pour contester ou argumenter avec un système politique, avec une philosophie économique quelconque. Nous sommes ici en tant que Juifs, en tant qu’hommes et femmes, enfants d’un peuple ancien et honorable qui voulons affirmer notre profonde parenté, notre véritable sens de l’affinité avec nos frères et sœurs du monde entier, dans chaque pays, sous tous les cieux.

Il est notable que pendant un certain temps, voire pendant des décennies, nous, dans les pays du monde où nous jouissons d’une plus grande mesure de libertés personnelles que ceux qui vivaient dans des systèmes plus totalitaires, ayons été qualifiés de Juifs du silence.
Nous sommes les témoins d’un miracle remarquable où, des deux côtés des frontières, tant en Union Soviétique que dans le reste du monde, le peuple juif a rejeté avec audace et courage cette appellation de Juifs du silence. Nous ne pouvons plus être qualifiés de Juifs du silence. Nous avons malheureusement gardé le silence trop longtemps, tant dans les pays où nous aurions pu parler, que dans les pays où notre peuple ne pouvait pas parler. Mais quoi qu’il en soit, cette époque est révolue.

Il n’y a pas de manifestation plus dramatique de la fin de cette époque que cette Conférence ici aujourd’hui. Les Juifs venus d’Union soviétique, tout comme ceux qu’ils ont laissés derrière eux, ont accompli un miracle remarquable pour lequel nous sommes reconnaissants au Maître de l’Univers Nous croyons beemuna shlema, dans une foi totale, qu’il s’agit d’une manifestation de la main divine, du doigt divin dans l’histoire juive, qu’après tant de décennies d’oppression constante et implacable, de lavage de cerveau et de contrôle de la pensée, ces jeunes juifs énergiques et courageux d’Union soviétique ont affirmé avec audace leur identité juive, leurs engagements personnels juifs, leur amour et leur dévouement indéfectibles pour le peuple juif, pour la patrie juive d’Israël, pour les vérités et les vertus de notre héritage religieux et culturel.
Il est significatif, chers amis, et je parle maintenant au nom des Juifs hors Union Soviétique, de ceux qui sont à l’intérieur de l’Union soviétique, et de ceux qui viennent de venir parler en leur nom, ils seront entendus dans un instant. Le miracle n’est pas seulement la renaissance, la résurgence de l’identité juive de la part de tant de juifs courageux à l’intérieur de la Russie. Le miracle n’est pas moins, bien que nous puissions nous en attribuer infiniment moins le mérite, pour les Juifs du monde entier. Cette question a enflammé les cœurs et les esprits, l’imagination des Juifs dans de nombreuses parties du monde qui, hélas, se sont peut-être tenus à la périphérie de la vie juive active organisée. L’injustice qui, à notre avis, est perpétrée contre nos frères d’Union Soviétique a appelé une réponse profonde de la part de tous les Juifs. Le large spectre de notre peuple, religieux et non religieux, sioniste et non sioniste de tous les horizons, de tous les aspects, de toutes les nuances et opinions au sein de la vaste totalité de la vie juive, tous sont représentés ici aujourd’hui, tous sont déterminés, d’une seule voix, à appeler le monde entier à les entendre : nous sommes un seul peuple, nous nous battrons, nous serons déterminés de toutes les manières possibles, responsables et efficaces. Pour faire entendre cette voix, nous demandons, nous implorons, nous exigeons que notre peuple en Union soviétique qui souhaite partir, qui souhaite vivre dans sa patrie, puisse le faire. Deuxièmement, nous demandons, nous exigeons à nouveau avec la même ferveur que ceux qui choisissent de ne pas partir soient autorisés à vivre en tant que Juifs, que toutes les facilités soient mises à leur disposition pour qu’ils puissent exprimer leur identité culturelle et religieuse en tant que Juifs dans le cadre du droit soviétique, de la société soviétique actuelle. Tels sont nos objectifs, à ces objectifs nous consacrons notre temps, nos efforts, nos moyens, notre substance. Nous prions, avec l’aide de Dieu, pour que nous réussissions à voir se réaliser ces idéaux dans un monde en paix.

Et maintenant, chers amis, nous passons au programme de cette première session plénière de notre Conférence mondiale. Les installations techniques ont été prévues pour la traduction simultanée. La plupart de nos chers invités dévoués et distingués s’exprimeront dans leur langue maternelle, le russe. Je suis heureux d’appeler comme premier orateur un homme dont le nom est devenu une légende de son vivant, qui a vraiment sanctifié le nom juif, le nom de Dieu et le nom d’Israël par son héroïsme personnel en tant que héros du peuple russe, et maintenant en tant que héros du peuple juif, Grisha Feigin.