DAVID BEN GOURION

David Ben Gourion, à l’origine David Grün, né en Pologne en 1886 et décédé en 1973 à Sde Boker (Israël), est un homme d’État israélien. En 1930, il participe à la fondation du Mapaï, devenu par la suite le Parti travailliste israélien, qui dirige la communauté juive de Palestine (Yichouv) à l’époque du mandat britannique (1918-1948), puis l’État d’Israël durant les trois premières décennies de son existence.
Il est le fondateur de l’État d’Israël, dont il proclame l’indépendance le 14 mai 1948. Il est Premier ministre du pays de 1948 à 1954 et de 1955 à 1963.

Transcription et traduction du discours prononcé le 25 février 1971 :

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Je regrette amèrement de n’avoir pu me retrouver avec vous [dès le début] lors de ce grand Congrès. C’est un moment exceptionnel pour tout le peuple juif et surtout pour ces Juifs dont nous nous sommes venus honorer leur dignité et leurs vœux. A mon grand regret je suis tombé malade en arrivant ici, j’ai pensé que je serais rapidement sur pied mais trois médecins sont venus m’ausculter et ils m’ont dit que non, il m’est interdit de bouger. Et aujourd’hui encore j’ai pensé que je pourrais venir et les médecins sont revenus à moi et m’ont répété : « Non ! Vous pourrez parler cinq minutes, dix minutes, mais pas plus. Mais on m’a dit que demain je rencontrerai la presse de ce pays et d’autres pays. Et on espère que demain je pourrai leur répondre autant que possible, à toutes leurs questions. »

Je suis convaincu que ce congrès ne sera pas en vain car non seulement, il est l’expression du dévouement du peuple juif à l’égard de toute la diaspora mais surtout à l’égard des Juifs qui ne sont pas autorisés à venir en Israël. Tout le peuple juif, pendant de longues générations, a toujours souhaité de tout son cœur s’y rendre.
Ces Juifs dont le cas est unique n’ont pas le droit d’apprendre leur langue, la langue qui a précédé tant d’autres langues européennes et bien sûr également la langue russe. Je sais qu’il y a en Russie quelques Juifs, et peut-être aussi dans d’autres pays, qui se soumettent à nos ennemis. Et un des grands miracles et c’est quelque chose que nous avons vu récemment – des gens qui ont appris à devenir des condamnés à mort n’ont pas reculé, n’ont pas craint de parler avec une fierté juive de leur volonté d’aller en Israël. Cela a renforcé leur dignité, la dignité des Juifs de Russie et la dignité des Juifs à travers le monde.
Je regrette vraiment de ne pas avoir pu être ici pour écouter ces discours essentiels qui ont été prononcés et j’espère que j’aurai le privilège de les lire.

Je vous présente mes sincères excuses et peut-être que vous comprendrez mon souci, mon impossibilité d’être présent alors que j’ai quitté mon foyer, ma ville, ma patrie pour être avec vous. Je n’ai pas pu participer justement parce que juste en arrivant je suis tombé malade. Mais je suis convaincu que cela n’estompera pas l’immense valeur nationale et internationale de ce congrès. Vous avez eu raison de fixer des limites quant à ce que ce congrès doit faire. Je vous félicite d’avoir maintenu le respect du judaïsme.

Il y a énormément de protestations à l’égard du régime soviétique existant et pas seulement de notre part. Nos contestations sont plus fortes. Nous, comme le peuple juif depuis toujours, n’avons jamais soutenu des moyens vils mais plutôt chercher à prouver la légitimité et la volonté de voir nos frères libres. J’espère que ce congrès renforcera le respect porté aux Juifs de Russie par les Russes car je sais qu’il y a en Russie beaucoup de gens honnêtes et respectables qui ne passeront pas sous silence tout ce qui a été dit ici quand ils apprendront que certains sont venus entraver ce congrès.

J’ai eu de la chance de rencontrer ici en Belgique une amie dévouée à l’égard du peuple d’Israël et il s’agit de la Reine Elisabeth1. Quand elle est arrivée en Israël, quelque chose d’étrange s’est passé. Quelqu’un a déclaré à la Knesset qu’on allait mobiliser tout le peuple. Et l’ambassadeur belge a été pris d’une grande crainte. Il s’est directement adressé à la Reine : « Sa Majesté, il faut que vous repartiez directement en Belgique ». « Mais pourquoi ? » demanda-t-elle, « parce qu’on prévoit de mobiliser tout le monde pour partir en guerre ». Elle a dit : « non, je veux d’abord m’adresser à Ben Gourion. »
Elle est venue chez moi et je lui ai raconté les faits en mentionnant que quelqu’un avait commis une erreur à ce propos et qu’il n’y a aucun fondement, aucune raison à cette déclaration. Elle l’a transmis à l’ambassadeur qui a répété : « Non ! Sa majesté il vous faut quitter ce pays immédiatement. » Et la reine a répondu : « Non, je ne partirai pas ».

J’ai eu le grand privilège de m’entretenir avec elle et d’aborder de nombreux thèmes juifs et non-juifs. Vraiment j’ai rencontré non seulement des reines pareilles, ou des femmes pareilles mais aussi des hommes faisant preuve d’une grande compréhension. Elle n’était pas très de gauche mais Sa majesté ne se limitait pas aux opinions courantes, elle avait ses opinions bien à elle. Elle méritait d’être parmi nous.

1Élisabeth de Wittelsbach (1876 -1965) duchesse en Bavière, est la troisième reine consort des Belges de 1909 à 1934. Les actions de la reine Elisabeth en faveur des Juifs persécutés durant la 2e guerre mondiale lui valent d’être reconnue comme Juste parmi les nations. La reine Élisabeth qui partageait avec son mari, le Roi Albert, une vision humaniste, devenue veuve et libre d’obligations officielles, s’adonnera à ses passions artistiques et à son mécénat scientifique.