CONTEXTE

« Nous, délégués de toutes les Communautés juives du monde réunis à cette Conférence, proclamons solennellement notre solidarité avec nos frères juifs d’Union Soviétique. Nous sommes avec eux, à l’unisson, dans leur lutte héroïque pour la sauvegarde de leur identité nationale et de leur droit inaliénable de revenir dans leur patrie historique, Israël. Nous dénonçons ici la politique du gouvernement soviétique visant à anéantir l’héritage culturel et religieux juif, en violation flagrante de la Constitution soviétique et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. »

Ainsi débutait la Déclaration de Bruxelles accompagnant la Première Conférence mondiale des Communautés juives pour les Juifs d’U.R.S.S. qui s’est déroulée les 23, 24 et 25 février 1971, une conférence internationale consacrée au sauvetage des Juifs d’URSS auxquels le gouvernement soviétique empêchait tout à la fois l’émigration et les pratiques culturelles et religieuses. Cet événement a été abondamment documenté par la revue Regards dans son numéro 55 datant de mars 1971 dont vous pouvez consulter une version numérique en cliquant ici. Vous y trouverez le programme détaillé de la conférence ainsi que plusieurs interviews et articles, bref, un document indispensable pour accompagner votre voyage sur ce site.


Création de Nativ (Lishkat Ha-Kesher).
À la fin 1952 fut créé dans le plus grand secret à Tel-Aviv un bureau portant le nom de code Nativ – « la voie » en hébreu – également connu comme Lishkat ha-Kesher ou Bureau de liaison, une petite structure (…) dont l’importance fut d’emblée signifiée par son rattachement direct au Premier ministre. Sa raison d’être était de renouer, dans l’ombre, le contact avec des Juifs soviétiques totalement coupés du mouvement sioniste depuis les années 1930 et soumis à des vagues successives de répression, dans l’espoir encore très utopique de provoquer leur aliya (immigration en Israël).
Voir le texte de Pauline Peretz, L’action des émissaires Nativ aux Etats-unis, 2004 (© Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem).


Première rupture des relations diplomatiques d’Israël avec l’URSS à la suite d’une bombe ayant explosé dans l’Ambassade soviétique à Tel-Aviv. Alors que l’URSS avait soutenu la création de l’État d’Israël, elle s’en distancie quand elle prend conscience en 1949 de l’aide américaine à ce pays. Les relations diplomatiques reprendront après le décès de Staline cette même année.

URSS : des médecins, en majorité juifs sont accusés d’avoir assassiné deux dirigeants soviétiques et d’avoir voulu assassiner Staline et ses proches collaborateurs. Cette affaire est connue sous le nom « le complot des blouses blanches ». Il s’agissait d’une machination montée par le NKVD abandonnée à la mort de Staline.


Shaul Avigur, à la tête de Nativ, comprend que les États-Unis seront le meilleur soutien pour ses émissaires. Les Etats-Unis seront effectivement des alliés dans les négociations et l’élaboration de campagnes pour la libération des Juifs soviétiques.


Elie Wiesel publie un livre, The Jews of Silence. Témoin par ses voyages en URSS, Wiesel décrit ce qu’il a vu ou compris de ses conversations avec les Juifs soviétiques : le numerus clausus qui leur est appliqué, la peur de manifester une vie juive, la privation d’institutions pouvant transmettre la vie juive …


Lors de la guerre des six jours, l’URSS qui soutient les pays arabes dans le conflit avec Israël demande au Conseil de Sécurité la fin des combats. Israël poursuit son offensive. L’URSS rompt pour la deuxième fois ses relations diplomatiques avec Israël. Elles ne seront rétablies qu’après la chute du bloc soviétique en 1991. La victoire d’Israël permettra le réveil des Juifs en URSS. 18 familles juives de Géorgie demandent aux Nations Unies le droit de quitter l’union soviétique.


Nehemiah Levanon, émissaire de Nativ à Washington, a créé « Bar » dont l’objectif est de sensibiliser l’opinion publique internationale au sort des Juifs soviétiques. Il obtient le soutien de la première ministre d’Israël, Golda Meir pour la création d’une conférence mondiale sur le statut des juifs d’URSS.
Voir le texte de Nehemiah Levanon, Code Name : Nativ, publié en hébreu, extrait présent sur ce site.


Édouard Kuznitsov et son épouse Sylva, Mark Dymshits, et d’autres citoyens sovietiques dont 2 non-Juifs s’apprêtent à quitter l’URSS avec un avion pour Israël via la Suède. Arrêtes par le KGB à l’aéroport, ils subiront un procès et une condamnation à mort pour Kutnitsov et Dymshits et pour les autres le goulag. Des protestations se déclencheront dans le monde suite à ces condamnations.

Voir l’article de Pol Mathil Les pirates de Leningrad (Le soir, 2010).


Organisé à Bruxelles, la Conférence mondiale des communautés juives pour les Juifs d’URSS sera un succès grâce à la présence de 800 délégués juifs venus du monde entier. Les autorités soviétiques mènent campagne contre cette conférence. En vain. C’est la première fois que des délégations de Juifs du monde entier se rassemblent autour d’une même cause. La Conférence est un succès. D’un combat dispersé, le combat pour les Juifs d’URSS est devenu un combat mondial.


Au cours de la décennie, près de 250.000 Juifs quitteront l’URSS après avoir suivi un long et lourd processus incluant du harcèlement de la part de l’administration soviétique.

Voir le site de UNHCR, the UN refugee Agency.


Le sénateur Henry Jackson initie un projet de loi pour faire pression sur les autorités soviétiques. L’URSS désire obtenir un statut commercial avantageux avec les USA celui de « la clause de la nation la plus favorisée ». Le projet de loi lie les avantages commerciaux recherchés par Moscou à l’exode des Juifs soviétiques.
A partir de 1972, le président Leonid Brejnev impose une taxe prohibitive de sortie (en échange de l’éducation reçue en URSS) aux Juifs instruits qui voulaient quitter le pays.


La loi Jackson-Vanik est adoptée. Elle jouera un rôle majeur dans les relations soviéto-américaines jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. Bien que cet accord échoue, son impact demeure. Chaque fois que Moscou négocie des avantages commerciaux avec les États-Unis, le pouvoir soviétique ouvre les portes à une partie de ceux qui souhaitaient quitter le pays.


L’Acte final d’Helsinki est signé par 35 nations, dont l’URSS, lors d’un sommet international. Ce document contient des engagements conjoints couvrant trois thèmes : la sécurité en Europe, les droits de l’homme et le développement de la coopération entre les États. Le document devient un instrument mondial utilisé pour améliorer les droits de l’homme en URSS, notamment l’émigration juive.


Deuxième Conférence mondiale pour la libération des Juifs d’URSS à Bruxelles en présence de l’ex-première ministre d’Israël, Golda Meir.


Les militants des droits de l’homme et des refuzniks, dont Anatoly (Natan) Sharansky, sont arrêtés sous de fausses accusations de trahison et d’espionnage.


140 dissidents, refuzniks et prisonniers de Sion sont relâchés.


Entre 1989 et 1995, 505.000 Juifs russes arriveront en Israël.

Voir le texte de William Berthomière, L’immigration des Juifs d’ex-URSS : un nouveau défi pour Israël ? (Revue Européenne des Migrations Internationales, Année 1995).


Entre 1990 et 1991, l’URSS, qui fédère alors quinze républiques, se disloque sous la pression des aspirations nationalistes et démocratiques des peuples qui la composent.

Si l’organisation de cette conférence doit beaucoup à la volonté d’acteurs de la communauté juive de Belgique (particulièrement à celle de David Susskind), l’événement est aussi l’aboutissement d’un travail politique international de longue haleine, débuté aux États-Unis au début des années 50. C’est sur cette histoire et sur celle de ses acteurs que reviennent les différents textes ci-dessous.

  • Extrait du livre de Nehemiah Levanon, Code Name : Nativ, about the history of the organization, paru en 1995, chapitre consacré à la Conférence de Bruxelles – librement traduit de l’hébreu par Julie Grynberg – dans lequel l’auteur revient sur le contexte politique et communautaire qui a amené à l’organisation de la conférence ainsi que sur la pression de l’Union soviétique pour que celle-ci n’ait pas lieu.

Pendant plusieurs années je me suis battu pour que voie le jour une conférence mondiale entièrement dédiée au sauvetage des Juifs d’URSS. J’avais déjà émis cette idée en 1968, mais les organisations juives mondiales y étaient farouchement opposées. De son côté, le Premier ministre de l’époque, Levi Eshkol, ne s’était pas montré très enthousiaste face à ce projet. Je n’ai pu obtenir le soutien de Golda qu’au cours du second semestre de l’année 1969. Comme je l’ai déjà évoqué, l’été 1970 vit des vagues d’arrestations et une diminution du nombre de Juifs émigrer en Israël. Un climat d’inquiétude et d’angoisse s’installa alors aussi bien en Israël qu’en diaspora. Nous avons dès lors poussé les communautés juives d’Europe à s’organiser dans le cadre d’une « Conférence européenne des communautés juives pour les Juifs d’URSS ».

En Amérique du Sud et en Amérique centrale, des émissaires de l’opération Bar ont également été à l’initiative de la création d’une organisation chapeautant les institutions qui opéraient au sein des communautés juives. La « Conférence latino-américaine pour les Juifs d’URSS » a vu le jour dans ce cadre …

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  • Extrait de l’article de Pauline Peretz, À l’origine de Ia mobilisation américaine en faveur des Juifs soviétiques : l’action des émissaires de Nativ aux États-unis, 1958 – 1974, paru en 2004 (© Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem). Dans cet article de fond, la chercheuse revient sur les raisons pour Israël de créer un bureau spécial centré sur le sort des Juifs soviétiques et les campagnes menées pour alerter le monde sur la privation de leurs droits, notamment en cherchant l’aide des États-Unis.

À la fin 1952 fut créé dans le plus grand secret à Tel-Aviv un bureau portant le nom de code Nativ – « voie » en hébreu – également connu comme « Lishkat ha-Kesher » ou Bureau de liaison, une petite structure appelée à jouer un très grand rôle pour l’avenir d’Israël, et dont l’importance fut d’emblée signifiée par son rattachement direct au Premier ministre. Sa raison d’être était de renouer, dans l’ombre, le contact avec des Juifs soviétiques totalement coupés du mouvement sioniste depuis les années 1930 et soumis à des vagues successives de répression, dans l’espoir encore très utopique de provoquer leur aliya.

La coïncidence de trois événements décisifs pour le jeune État hébreu conduisit à cette création. Le tarissement des sources d’immigration vers Israël à partir de 1951 éveilla l’intérêt pour ce gigantesque réservoir que représentaient les trois millions de Juifs vivant en URSS. Le sursaut antisémitisme soviétique dans les années précédant la mort de Staline imposait la mise en œuvre du principe de solidarité d’Israël à l’égard de la diaspora. Enfin, l’abandon de la politique de non-alignement par Jérusalem rendait possible l’expression d’une demande qui avait été tue jusqu’à présent, celle du respect du droit des Juifs soviétiques à émigrer conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme …

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Dans un article de novembre 2020, Colin Shindler évoque la vie et le parcours de Meir Kahane, fondateur de la Ligue de défense juive qui, c’est important à noter, s’est vu refuser l’accès à la Conférence mondiale des Communautés juives, ce qui y a alors provoqué une certaine agitation.

  • Extrait de l’article de Colin Shindler, Trente ans après la mort de Meir Kahane, paru en 2020 (© The Jewish Chronicle).

Il y a trente ans, le 5 novembre 1990, le rabbin Meir Kahane, fondateur de la Ligue de défense juive (JDL) aux États-Unis et du parti Kach en Israël, était abattu par un islamiste égyptien, El Sayyed Nosair, à l’hôtel Marriot de Manhattan. Il avait 58 ans et était père de quatre enfants.

Kahane avait proclamé à plusieurs reprises son mantra selon lequel « la douleur d’un juif, où qu’il soit, est notre douleur » et avait épousé des actions violentes pour prouver son engagement – quelqu’un qui se voyait comme un homme de foi solitaire et un prophète pour un groupe de jeunes adeptes loyaux et intègres …

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Plus contemporain des événements décrits sur ce site, Colin Shindler toujours s’interrogeait en 1969 sur le point de vue de l’URSS sur la question juive dans un article intitulé The Soviet Union and the Jewish Question.

  • Extrait de l’article de Colin Shindler, The Soviet Union and the Jewish Question, paru en 1969 (© Universities’ Committee for Soviet Jewry publication).

La base théorique du point de vue marxiste face à la question juive se trouve dans l’ouvrage classique de J.V. Staline, « Le marxisme et la question nationale », publié pour la première fois en 1913.

Staline définissait une nation comme une « communauté stable de personnes historiquement constituée, formée sur la base d’une langue, d’un territoire, d’une vie économique et d’une structure psychologique commune qui se manifeste dans une culture commune ».
Cette thèse contient quelques erreurs fondamentales qui ne sont observées qu’en examinant le concept d’État-nation sur un plan dialectique plus élevé. Par exemple, il serait très difficile d’expliquer l’existence du peuple pakistanais dont la formation historique est basée sur le facteur unificateur de la religion …

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Enfin, le journaliste belge d’origine polonaise Pol Mathil a écrit en 2010 pour Le Soir un très bel article revenant sur la tentative de piratage d’un avion par des dissidents soviétiques – juifs et non-juifs – pour quitter l’URSS et les conséquences de l’événement sur la prise de conscience mondiale de la situation des Juifs soviétiques.

  • Extrait de l’article de Pol Mathil, Ce jour-là : Les pirates de Leningrad, paru dans Le Soir en 2010  (©Rossel – Le Soir).

Le 15 juin 1970, il y a 40 ans, à 8 h 30, le haut-parleur du petit aérodrome de Smolnye, dans la région de Leningrad, annonce le départ d’un avion AN2 à destination de Priozërsk. Neuf personnes quittent la salle d’attente et se dirigent vers la piste d’envol : Eduard Kouznetsov, Mark Dymshits, sa femme, leurs deux filles et quelques autres passagers. « La salle d’attente était bondée de pilotes en tenue, racontera au Soir, des années plus tard, Kouznetsov, libre, en Israël. Tant de pilotes pour un si petit aérodrome. Ils savaient tout. Sur le tarmac nous avons été subitement cernés par les “pilotes” et des soldats. On nous a passé les menottes. Puis on nous a jetés dans des voitures et conduits dans les locaux du KGB à Leningrad. »

C’est ainsi que s’achève péniblement, avant même de commencer, la première tentative de détournement d’un avion (Dymshits était pilote) pour quitter l’URSS et atterrir en Suède, entreprise par un groupe de Juifs déterminés à briser le rideau de fer bâti par les autorités soviétiques devant les candidats à l’émigration en Israël. …

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